Le vocabulaire anglais dispose de deux mots qui n’en font qu’un en français : jeu.

Pour être tout à fait précis, la réduction est encore plus importante puisque nombre de personnes en France considèrent encore que le jeu n’a pas sa place en entreprise. Si vous désirez prendre de la distance avec cette conviction, nous vous recommandons la lecture du livre Homo Ludens de Johan Huizinga, qui explique la dimension sociale et culturelle du jeu.

Dans le contexte des ateliers et activités en entreprise, les termes « game » et « play » ont une différence fondamentale :

  • Le « {quelque chose} Game » a un objectif et une technique d’application bien définis : Serious Game (un jeu vidéo pour apprendre), Innovation Game® (une activité ou une séquence d’activités pour collaborer). Il repose sur un processus déterministe : l’activité ou la séquence d’activités sont un chemin obligé vers l’objectif ;
  • Le « Serious Play® » est motivé par une situation entachée d’incertitudes et/ou de divergences. L’atelier a une trajectoire prévisionnelle (un filage) qui prévoit diverses alternatives, et que le facilitateur ajuste en temps réel quand c’est nécessaire. C’est un processus empirique (agile !) qui exige du facilitateur de la clairvoyance, du détachement, une grande maîtrise des techniques et du processus de base du LEGO® Serious Play®.

LEGO® Serious Play® peut être utilisé pour faire émerger une innovation. La relation main-cerveau génère potentiellement des prodiges de créativité.

Mais le Serious Play® n’est pas une alternative aux Innovation Games®. Ce sont deux approches très différentes.

LEGO® Serious Péril…

Vous apportez du conseil aux entreprises ou dans votre entreprise. Si vous en aviez l’occasion, combien même vous n’êtes ni certifié, ni expérimenté, résisteriez-vous à la tentation de faciliter un atelier LEGO®Serious Play® ?

Après tout, ce ne sont que des briques en plastique, et c’est un jeu ! On trouve plein de choses sur Internet, il y a même une vieille version open source. On peut acheter quelques briques de base (les sets LEGO®Serious Play® sont dispendieux), et solliciter éventuellement quelques camarades coach (c’est presque la même chose que facilitateur, on ne va pas pinailler). En plus, vous connaissez les Innovations Games® !

En route pour… un fiasco !

Pourquoi ?

Parce que vous avez négligé plusieurs choses essentielles, notamment :

  • La demande traduit un besoin, qui est lui-même l’expression d’un manque. La demande doit être la traduction fidèle du besoin, mais il est fréquent qu’elle l’interprète, le minimise, le déforme, ou prescrive une solution. Quand on vous demande un atelier LEGO®Serious Play®, vous devez obligatoirement découvrir le besoin derrière la demande ainsi que les incertitudes ou les divergences sous-jacentes. S’il n’y en a pas, le résultat de l’atelier sera probablement décevant, parce qu’il n’y aura pas eu l’émergence qui fait qu’un sujet larvé depuis des semaines ou des mois s’est dénoué en quelques heures ;
  • Faciliter un atelier LEGO®Serious Play® nécessite un apprentissage et un matériel conséquents. Vous pouvez toujours acheter un kimono et une ceinture noire et vous afficher sur Internet comme un grand maître. Mais en combat sur un tatami, face à adversaire qui n’usurpe pas la couleur de sa ceinture, ne pas connaître vos katas vous conduit invariablement à la cata… ;
  • Les sets utilisés pour le LEGO®Serious Play® sont des fabrications spéciales. Les éléments ont été longuement sélectionnés :  ce n’est pas un hasard si des pièces de DUPLO® côtoient les briques LEGO®. Avec des sets standards, la pensée par les mains ne peut pas être du même niveau.

Et n’oubliez pas que participer à un atelier LEGO®Serious Play® n’est pas un amusement. Il faut fournir un réel effort, qui trouve plus que sa contrepartie dans le fait d’avoir verbalisé l’origine des difficultés qui vous résistaient, et les lignes directrices qui vous conduiront à la solution.

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.
Albert CAMUS